8 raisons qui empêchent la diaspora de retourner en Afrique.

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Diaspora et illusion du retour au pays

La question du retour crée beaucoup d’inquiétudes, de peur et de frustrations chez les africains de la diaspora. Certains en quittant leurs pays pour aller “se chercher” comme on le dit dans le jargon africain, ont promis à leurs familles, d’y retourner les poches pleines.

Quand les africains quittent leur terre natale pour l’occident, ce n’est pas forcément dans le but de ne plus y retourner.

Ils quittent le pays avec un grand enthousiasme, remplis d’espoir d’accumuler de l’argent, afin de réaliser quelque chose pour soi, ou pour la famille restée au bled.

Cependant, il y’a un grand écart entre l’idée qu’on a de l’occident quand on est en Afrique et ce qu’on découvre quand on s’y installe.

Vivre des années dans un continent étranger signifie changer ses habitudes, et devenir une personne totalement différente de celle qui a mis ses pieds, le premier jour dans cette terre étrangère.

Les habitudes ont la peau dure ! Comment convaincre les Africains à laisser le “confort ” dans lequel ils baignent en occident pour retourner dans des pays auxquels, ils ne s’identifient plus ?

” Ici il y’a l’électricité, les aides, la Sécurité sociale, la santé ” disent ils le plus souvent…

Est-ce vraiment ce confort illusoire qui crée une peur du retour ou en réalité l’incapacité à se reconstruire une nouvelle vie en Afrique??

La question du retour est complexe ! On ne peut pas passer 15, 20, 40 ans de sa vie en Occident et rentrer chez soi, comme un enfant qui retourne chez ses parents après trois mois de vacances !

Le retour en Afrique a des préalables qui, s’ils ne sont pas respectés, transforment la volonté du retour en un fantasme.

Beaucoup d’africains dans la diaspora vivent dans l’espoir de rentrer un jour au pays. Mais dans le concret, on constate qu’ils n’ont ni les ressources financières nécessaires, ni un projet concret à mettre sur pied pour s’assurer une source de revenus réguliers en Afrique.

C’est souvent à la retraite que certains, rattrapés par leur âge avancé et épuisés par des années de dur labeur, retournent sur leur terre natale pour éviter de mourir en Occident.

Les raisons de l’échec du retour en Afrique sont multiples, on peut citer entre autres :

  • la préparation tardive du projet de retour.
  • le mariage et la naissance des enfants.
  • le mariage mixte.
  • le manque d’emploi en Afrique.
  • les prêts et crédits bancaires.
  • le désaccord des familles au pays.
  • la régularisation tardive.
  • un budget de retour trop élevé.

1-Préparation tardive du projet de retour

Le retour au pays est un projet qui se prépare dès qu’on arrive en occident. On ne retourne pas au pays comme un enfant qui rentre à la maison après trois mois de vacances. La préparation tardive est l’un des éléments majeurs de l’échec du retour en Afrique.

Les raisons qui poussent les africains à quitter leurs pays varient en fonction des individus. Ils vont en occident soit pour étudier ou chercher un emploi. D’autres y vont dans le but de rejoindre leurs partenaires.

J’ai personnellement vu des étudiants, qui, bien que jeunes, étaient déjà préparés au retour dès leur arrivée. Ce sont le plus souvent des enfants de bonnes familles, dont les parents ont payé les études à l’étranger, dans le but qu’ils se forment, puis reviennent, pour prendre en main l’entreprise familiale, ou pour travailler dans une entreprise du pays.

Pour les étudiants provenant de familles plus pauvres, quitter le pays est une bénédiction. Par conséquent, la question du retour ne se pose pas dès le début.

En règle générale, l’africain ne quitte pas son pays dans le but d’y retourner, convaincu que l’herbe est plus verte ailleurs.

C’est le plus souvent après des années en occident (10 ans au moins) que l’envie de retourner se manifeste chez les africains de la diaspora.

Ceci s’explique par le temps d’adaptation au nouvel environnement et les lenteurs au niveau des procédures de régularisation. Certains immigrés attendent jusqu’à cinq ans après leur arrivée pour avoir des papiers. Le temps de se régulariser et les difficultés liées au fait d’être sans papiers ne laissent pas l’espace à un projet de retour.

C’est souvent des années après l’obtention des documents, l’obtention du diplôme d’études, ou après avoir travaillé, que l’envie de rentrer se présente. Quand on se rend finalement compte que, malgré les efforts d’intégration, on n’est toujours pas à sa place.

Le facteur temps est crucial dans la préparation du retour au pays. Comme la retraite, plus tôt, on y pense, mieux c’est !

Rentrer au pays, ce n’est pas juste faire ses bagages et sauter dans un avion.

Il faut des économies, une source de revenu stable, un loyer, etc.

Ces trois éléments s’obtiennent avec du temps et ceux qui pensent au retour dès leur arrivée en occident, ont plus de chance de mieux se préparer et éviter des pièges.

2-Mariage et naissance des enfants

Se marier et fonder une famille est une expérience magnifique. Paradoxalement, fonder une famille en occident quand on a le projet de retourner au pays, peut s’avérer contradictoire. Les raisons qui poussent de nombreuses familles africaines à rester en occident malgré elles, sont multiples.

On peut citer par exemple : le manque d’entente entre les partenaires, les crédits liés à l’achat de maisons, le manque d’épargne et l’éducation inculquée aux enfants.

2.1-Désaccord entre les conjoints

Si vous voulez rentrer en Afrique et que votre partenaire n’est pas en phase avec vous, la situation devient délicate, surtout quand au milieu il y’a des enfants. Dès les débuts de relations et avant de se marier, il faudrait aborder ouvertement la question du retour.

On note plus une réticence de la part des femmes que des hommes. J’aborde les raisons de cette réticence dans cette vidéo.

Si votre partenaire refuse de vous suivre en Afrique, il faudrait trouver des stratégies pour le/la convaincre. Plusieurs couples ont fini par se séparer parceque l’un des conjoints était contre le retour. Malheureusement ces séparations sont parfois inévitables.

2.2-Crédits d’achat de maisons

La vie en couple demande certains ajustements avec l’arrivée des enfants. Un couple sans enfant ne ressent pas forcément le besoin d’avoir un espace plus grand. Et parfois l’homme et la femme vivent séparément, chacun dans son appartement. Dans ce contexte, le besoin d’acheter une maison ne se pose pas.

Quand les enfants arrivent, trouver un appartement plus spacieux devient nécessaire, afin d’assurer l’épanouissement de la famille. Plus la maison est spacieuse et bien positionnée, plus le prix est élevé.

Les crédits d’achats de maisons peuvent être réparties sur vingt, voire trente ans. De ce point de vue, la question du retour devient secondaire. La priorité pour le couple est de conclure l’achat de la maison sur les vingt ou trente ans.

Le facteur temps n’aide pas à ce niveau, car avoir une grande maison et des enfants conditionnent psychologiquement beaucoup de couples africains, à rester sur place, et faire encore plus d’enfants. Leur priorité, c’est de se libérer du crédit afin de léguer la maison en héritage aux enfants.

C’est ainsi que beaucoup de couples se retrouvent sur place jusqu’à l’âge de la retraite et ne sont plus en mesure de rentrer.

2.3-Manque d’épargne

Avoir des enfants réduit forcément la capacité d’épargne en occident. Faire des enfants dans une société hyper capitaliste conduit à des dépenses régulières et donc, à des restrictions en terme d’èpargne. Ces dépenses sont liées à l’entretien des enfants, à leur éducation et aux loisirs.

Même en présence de deux salaires, de nos jours, plusieurs familles arrivent difficilement à leurs fins de mois.

Le pire, plus les enfants grandissent, plus les charges ont tendance à augmenter.

2.4-Éducation des enfants

Certains couples commettent l’erreur de transmettre uniquement l’éducation du pays d’accueil, pour, selon eux, faciliter l’intégration des enfants.

Cette décision est contradictoire au projet de retour.

Lire aussi : l’échec dans l’éducation des afrodescendants-interview de Nathalie Ahanda.

Un enfant à qui on ne parle jamais de l’Afrique, qui ne connait pas le pays d’origine de ses parents, qui ne mange aucun plat africain, qui ne comprend aucune langue parlée dans le pays d’origine des parents, aura beaucoup de mal à s’intégrer en Afrique, et parfois s’opposera au retour s’il est déjà majeur.

Il est donc urgent d’éduquer les enfants à l’africaine, afin qu’ils puissent facilement s’intégrer de retour au pays.

3-Les mariages mixtes

Épouser une personne d’une origine différente peut s’avérer en contraste avec le projet de retour. Il existe quelques exceptions, mais en général, les africains en couple mixte peuvent avoir des difficultés à convaincre leurs conjoints à les suivre dans leur pays d’origine.

Comment convaincre une personne qui ne souffre de rien, et qui a passé la majeure partie de sa vie dans son pays, à abandonner tout, pour recommencer dans un autre continent ?

Les africains mariés aux caucasiens font le plus souvent face à l’opposition de leurs partenaires. L’Afrique est en environnement avec des mœurs et des mentalités complètement différentes de l’occident.

Le lien du mariage n’est pas suffisant pour convaincre un(e)européen(ne) ou un(e) américain(e) à s’installer définitivement en Afrique avec son conjoint.

Les raisons sont multiples : manque d’adaptation, absence d’opportunités de travail, éloignement de la famille et des amis.

Ce dernier point n’est pas à négliger, puisque le partenaire étranger ayant grandi en occident, a construit son cercle d’amis depuis l’enfance. S’installer en Afrique définitivement signifierait s’éloigner, voire couper les liens avec ce cercle d’amis.

L’africain ne s’installe pas en occident, pour les mêmes raisons pour lesquelles l’occidental s’installe en Afrique.

Le problème se pose aussi dans le cas de couples mixtes provenant de pays africains différents. Bien que la culture africaine recommande à la femme de suivre son mari, plusieurs femmes ont du mal à s’adapter aux mentalités et mœurs des pays de leurs conjoints.

4-Le manque d’emploi en Afrique

Le manque d’emploi en Afrique ne favorise pas le retour de la diaspora. Si beaucoup d’africains ont quitté le continent, c’est parcequ’ils recherchaient un emploi.

Nombreux sont ceux qui en Afrique ont fait de longues études sans jamais trouver un emploi adéquat à leur niveau d’études.

Arrivés en occident, ils ont pu trouver du travail soit à travers des études, soit en convertissant leurs diplômes, ou grace à une formation.

Le manque d’industries en Afrique, l’absence d’emploi, sont les raisons principales qui poussent les africains à immigrer. L’occident est un continent très développé qui garantit une certaine stabilité de l’emploi.

L’Afrique par contre, est centré sur le modèle informel, dans lequel de petites activités et commerces sont mis sur pied.

En outre, plusieurs africains de la diaspora travaillent dans de grandes structures en occident, et ont un style de vie et des salaires parfois élevés. Ils sont médécins, ingénieurs, informaticiens, cadres etc.

Ces professionnels ont du mal à retourner en Afrique en tant que salariés, car les salaires qui leur sont proposés sont minables comparés à ceux de l’Europe et ne leur permettent pas d’avoir un style de vie décent. Au Cameroun par exemple, un médécin généraliste gagne en moyenne 250.000 FCFA/mois. En Europe, le salaire minimun d’un médécin généraliste est de 2500 euro/mois.

Cette différence de salaire empêche beaucoup de professionnels dans la diaspora de travailler dans leur pays d’origine, bien que le besoin soit présent.

5-Le désaccord des familles au pays

L’opposition des familles restées au pays est l’un des points les plus importants dans l’échec du retour de la diaspora. Rares sont les familles qui encouragent leurs proches à revenir.

Il existe une grande incompréhension entre la diaspora et les familles en Afrique. L’expérience des africains de la diaspora est unique. Ils ont connu plusieurs environnements, plusieurs systèmes. Ils ont vu des choses que les familles ne verront peut être jamais. Mais surtout, ils ont compris des choses que leurs proches en Afrique ne comprendront jamais!

L’immigration c’est l’école de la vie, et toute personne qui n’a pas fait cette école, ne comprendra jamais les motivations à la base du retour en Afrique.

Si vous avez pour projet de rentrer, ne cherchez pas à faire comprendre à votre famille vos motivations. Expliquer les raisons du retour, à des personnes qui considèrent l’occident comme l’eldorado, sans y avoir mis pied, n’est pas différent de parler à un mur.

Le projet de retour doit rester secret, jusqu’au moment de sa réalisation.

Ceci pour éviter les découragements et lamentations des familles au pays.

Les raisons du désaccord des familles sont multiples. La première raison c’est la peur de ne plus recevoir les transferts d’argent. Plusieurs familles en Afrique vivent sur le dos de leurs proches dans la diaspora. Leur annoncer votre retour signifierait pour eux, retomber dans la précarité, et devoir se prendre en charge eux-.mêmes.

Ensuite, certaines familles ont un sentiment de supériorité face à leurs voisins ou autres membres de la famille, quand leurs enfants, maris, frères et soeurs vivent en occident. Votre retour fera en sorte qu’ils soient de nouveau “égaux” à ceux qu’ils regardaient de haut depuis votre départ.

D’autre part, certains africains de la diaspora ont promis aux membres de leurs familles, de les ramener en occident. Ces promesses se font le plus souvent en Afrique, dans l’ignorance des réalités du terrain.

Face à ces réalités, plusieurs ne sont plus en mesure de tenir ces promesses. Dans ce contexte, annoncer son retour c’est clairement se faire des ennemis et s’attirer des ennuis.

La discrétion est fondamentale pour réussir son retour en Afrique. Annoncer à vos proches ce projet, pourraient les amener à faire des choses pas très catholiques pour vous détourner de votre objetif, surtout s’ils sont habitués à recevoir de l’argent de vous.

6- Les procédures de régularisation longues

Mener une vie de sans papier en occident n’est le souhait d’aucun immigré. Cependant, certains pays ont des systèmes très rigides qui ne favorisent pas la régularisation rapide. Ce qui pousse plusieurs immigrés à devoir vivre et travailler clandestinement pendant des années.

En Europe, l’Italie reste le seul pays où la régularisation est facile. Plusieurs immigrés ont dû quitter, la France, l’Allemagne, pour venir se régulariser en Italie. La France et la Belgique font partie des pays avec les systèmes les plus rigides pour les immigrés.

Il est fréquent de trouver des immigrés en France ayant fait vingt ans sans papiers, et contraints de travailler au noir.

Plusieurs africains qui avaient pour projet de rentrer chez eux, ont atteint l’âge de la retraite en France sans papiers, et espèrent toujours rentrer au moment où ils obtiendront les papiers.

Quand obtiendront ils finalement les papiers ? En quoi la régularisation est pertinente quand on veut rentrer définitivement dans son pays ? En quoi les papiers garantissent la réussite du retour au pays?

La recherche des papiers a entrainé l’abandon du projet de retour chez plusieurs immigrés, à cause des conditions de régularisation longues. Ces années parties en fumée dans l’espoir d’obtenir les documents, ne se récupèrent pas malheureusement.

Comme mentionné au premier point, le temps est un facteur important dans le retour. Rentrer à 20, 30, ou 40 ans ce n’est pas rentrer à 60 ou 70 ans.

Beaucoup d’afriains dans la diaspora ne peuvent plus rentrer, parcequ’ils ont perdu trop de temps, dans l’attente de papiers qui n’arrivent jamais.

Les papiers sont importants dans le cadre d’une vie en occident. Mais pour le retour, ce n’est pas le cas. Une personne qui a bien préparé son projet de retour, ne sera pas freiné par l’attente des papiers.

En plus, les africains de la diaspora qui sont retournés dans leur pays sans papiers, ont réussi, parceque, n’ayant plus la possibilité de revenir en occident, ont concentré toutes leurs énergies sur le terrain.

7- Les prêts et crédits bancaires.

Dans plusieurs pays en occident, les immigrés se servent des crédits bancaires pour réaliser leurs projets en Afrique ( construction d’appartements de location, construction d’une maison d’habitation, démarrage d’une activité ).

Pour que les banques accordent une somme d’argent considérable, il faut avoir la nationalité du pays d’accueil. Cette nationalité permet à l’état de prétendre sur les investissements réalisés, sur place ou en Afrique, en cas de non remboursement du crédit.

La période de remboursement des crédits peut s’étendre sur plusieurs années, au point d’arriver à un âge où on n’a plus la force, ni l’envie de rentrer au pays.

Les cartes de crédit, utilisées à tort et à travers, contribuent aussi à augmenter la dette des immigrés, limitant la possibilité d’épargner afin de bien préparer leur retour.

8-Un budget de retour trop élevé

L’argent est très important pour pouvoir vivre et démarrer ses projets. Quand on prévoit de rentrer en Afrique, il faut avoir une certaine épargne au moins pour la première année d’installation.

Vu la situation que traverse l’Europe actuellement et en fonction des conditions de vie de chaque personne, miser sur un budget de retour très élevé peut s’avérer utopique, surtout dans le cas des familles.

Les ressources financières sont nécessaires. Cependant, il ne faudrait pas rester figé sur un montant précis et remettre à demain le retour, dans l’espoir d’accumuler le maximum d’argent.

Épargner de nos jours en occident, demande beaucoup de restrictions et de sacrifices.

La vie devient de plus en plus chère et les gens arrivent à peine à leur fin de mois.

Par conséquent, conditionner son retour à l’atteinte d’une certaine somme d’argent, pourrait finir par vous éloigner de votre objectif.

Le plus important dans le retour, c’est maîtriser le terrain, avoir un projet ou une activité qu’on a déja implanté les années précédentes, mais surtout avoir le mental.

Une grosse épargne ne garantit pas toujours la réussite au pays.

Les 8 éléments mentionnés plus haut sont à prendre au sérieux. Ils sont nombreux ceux qui sont bloqués en occident, parcequ’ils ont commis des erreurs.

La question du retour ne doit pas être prise à la légère.

Le retour en Afrique nécessite du courage, de la détermination et de la stratégie.

Ce n’est pas forcément parceque vous avez envie de rentrer au pays que vous réussirez à le faire, surtout si certaines conditions ne sont pas respectées.


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